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Nos véritables moyens d’actions contre Daesh

15:52 par sarkazm. Classé dans : Spécial

Sous ce titre volontairement tape à l’œil, je souhaite écrire une synthèse de ce que nous pouvons faire collectivement et individuellement après les attaques du 13 novembre. La démarche peut sembler peu modeste mais elle est portée par mes convictions, par mes nombreuses lectures post-attentats et par le désespoir de voir notre pays se préparer à une guerre en Irak et en Syrie tout en se refermant sur lui-même.

 

Tout d’abord, il me semble essentiel de revenir sur la raison des attaques. Pourquoi ont-ils fait ça ? Après le 13 novembre, j’ai cherché désespérément des réponses. Avec un peu de recul, voici ce que je dirais.

Toute attaque terroriste est tout simplement et tout cyniquement un coup de publicité pour une organisation ou une idée. Plus le nombre d’innocents morts est grand et plus l’attaque semble organisée (ici le grand nombre d’assaillants), plus leur attaque est réussie. Viser des lieux culturels était secondaire pour Daesh à mon avis. C’est-à-dire qu’ils auraient malheureusement sans problème attaqué une gare si les lieux culturels avaient été plus protégés. Lorsqu’il annonce que c’est une vengeance après nos frappes aérienne, Daesh ment. Il a choisi la France simplement parce que c’est de notre pays que provient la majorité de leurs recrues européennes ! Je suis certain qu’après chaque attaque que les terroristes commettent, le nombre de leurs recrues internationales augmente dans les jours et les mois qui suivent. En plus de lui fournir involontairement un grand nombre de ses combattants, notre pays a une aura à l’internationale et ils savaient que leur attaque serait ultra-médiatisée et donc leur « coup de pub » réussi. C’est aussi cynique que cela. Pas vraiment d’idéologie contre notre culture, pas de vengeance contre nos frappes ! Daesh n’attaque pas uniquement pour nous faire souffrir, il attaque avant tout pour montrer sa force de frappe, pour recruter à l’étranger, en bref, c’est son canal de communication. Le groupe doit continuer à montrer qu’il est le premier groupe d’islamistes radicaux sunnites mondial, gagner des allégeances, et éviter qu’un autre groupe ne prenne sa place. Daesh est par ailleurs le groupe terroriste le plus fort en communication que je connaisse et on peut penser qu’ils ont soigneusement réfléchi à leur cible en fonction des potentiels recrutements.

 

La réponse actuelle d’Hollande est mauvaise et elle pourrait même s’avérer dangereuse. Combattre Daesh doit se faire à l’intérieur de notre territoire encore plus qu’à l’extérieur. Malheureusement, ce deuxième axe vient actuellement éclipser le premier. Combattre Daesh, c’est avant tout l’empêcher de recruter sur notre territoire, et ceci pour deux raisons évidentes. S’ils ne recrutent plus bien chez nous, ils auront intérêt à attaquer là où ils recrutent mieux (s’ils ne recrutent plus bien nulle part, ils changeront de stratégie). Et s’ils ne recrutent plus bien chez nous, ils auront plus de mal à coordonner de nouvelles attaques avec des citoyens français. N’oublions pas qu’ils n’ont parfois même pas besoin de coordonner quoi que ce soit ! Il nous faut aussi absolument éviter la formation de « loups solitaires » encore plus difficiles à repérer que des combattants revenant de Syrie. Nos moyens d’actions pour le combat intérieur sont très nombreux mais je donnerai deux idées principales, à même d’être efficace sur le long terme.

Premièrement, il est temps de redonner son véritable sens à la laïcité. Nos politiques de tous bords lui ont donné une signification coercitive, qui fait que le mot même de « laïcité » provoque aujourd’hui le dégoût chez les musulmans, que ceux-ci vivent en France ou à l’étranger. La laïcité doit avant toute chose permettre à chacun de pratiquer sa religion. La laïcité ce n’est pas l’athéisation de l’espace publique, c’est la juste cohabitation, partout, de chacun quelle que soit sa religion ou sa non religion. La laïcité c’est lorsque l’Etat ne favorise ni une religion ni l’absence de religion. C’est une valeur universelle, qui doit être pensée comme telle et non à travers le prisme de la peur d’une islamisation de l’espace public, comme c’est le cas actuellement par nos politiques. Dans la suite de cette idée, je pense donc que nous devons enseigner les religions à l’école dans la juste proportion de leur présence en France. Il faut enseigner l’Islam, ses bases, ses pratiques, ses valeurs, sa théologie… parce que si l’Etat ne le fait pas, il prend le risque que le premier contact avec l’Islam d’un français, d’origine musulmane ou non, se fasse avec un radical ou un groupe terroriste qui lui fera croire ce qu’il veut. Rappelons que les terroristes du 13 novembre n’avaient aucune culture de l’Islam avant de rejoindre Daesh. Olivier Roy parle par exemple de manière très intéressante d’ « islamisation de la radicalité ». Il faut redonner aux enfants des familles chrétiennes la fierté d’être chrétien,  aux musulmans la fierté d’être musulman, aux juifs celle d’être juif, aux athées celle d’être athée etc. Mal mis en place, les cours de religion peuvent être contre-productifs. Il ne faut pas que l’Etat choisisse un courant de chaque religion ou tente d’imposer une version qu’il jugerait républico-compatible. Il faudrait que ces cours soient donnés dès la fin de la primaire par des intervenants extérieurs, si possible locaux, en présence d’un professeur principal, qui connaît ses élèves et aide l’intervenant dans sa tâche. Il faut à tout prix éviter que l’Etat donne l’impression d’imposer une pensée unique de la religion. Il ne s’agit pas, encore une fois, de préférer une version religieuse par rapport à une autre mais d’ouvrir les élèves à la pensée critique et à la tolérance en matière de religion. Ces cours n’auraient pas pour vocation de remplacer le catéchisme ou les cours à la mosquée. Ils seraient une présentation de chaque théologie adaptée à l’âge des élèves, et destinée à prévenir toute forme dangereuse de radicalisme religieux ou se réclamant d’une religion.

La deuxième idée concerne les réseaux sociaux et internet. L’école n’a pas suivi l’explosion de l’importance des réseaux sociaux comme biais vers des sources d’informations. Quand j’étais moi-même au collège et au lycée, la plupart de nos professeurs se bornaient à dire « Internet n’est pas une source  correcte et suffisante pour vos exposés ». Il faut des cours d’utilisation d’internet, des cours d’utilisation de l’esprit critique adaptés à l’ère des réseaux sociaux. Il faut rappeler des fondamentaux ! Lorsqu’un de mes amis partage un article, une photo, un texte, je dois, avant de partager à mon tour, déterminer la source d’information, la date et l’auteur d’origine, les objectifs de cet auteur. Qui n’a jamais vu sur son « fil facebook » un de ces articles partagés comme étant d’actualité mais qui datent d’il y a 3 ans lorsqu’on clique sur le lien. Ces informations non fiables partagées à toute allure, en une pression de pouce, sans avoir fait l’effort de vérifier sa confirmation par d’autres sources, sont à mon avis dangereuses. Les théories complotistes s’appuient sur ces mauvaises informations, ces photos retouchées, sorties de leur contexte d’origine, partagées sous le coup de l’émotion. Voici un exemple parmi d’autres. Très récemment une de mes amies a partagé une information qu’un de ses amis partageait et qui provenait d’une source relativement  fiable. Information qui s’est avérée finalement fausse. Combien de personnes parmi les amis de mon amie n’auront vu que la fausse information publiée à 15h et partagée X fois sous le coup de l’émotion mais ne verront jamais son démenti officiel par la même source, publié à 17h30 par mon amie, moins partagé, car moins source d’émotion et donc moins mis en avant par l’algorithme de Facebook dans les fils d’actualité ? Combien de personnes passeront le reste de l’année à penser que cette information fausse était vraie et que les média officiels l’ont volontairement passée sous silence? La désinformation mène au complot, le complot mène aux clivages et aux théories radicales plus dangereuses. Bref, enseignons à l’école l’esprit critique quant à l’information, adapté à l’air d’internet. Enseignons aussi plus généralement l’esprit critique par rapport aux médias. Aucun média n’est infaillible. Dans mon exemple ci-dessus, si la source d’origine avait au moins présenté dès le départ son info comme non confirmée, le problème aurait été moins grand.

 

A propos de la guerre extérieure contre Daesh. Retirer au groupe terroriste le territoire qui est sous son contrôle est important et doit être fait. Il est indéniable qu’il n’en sera que moins puissant. Cependant, il faut prendre en compte plusieurs choses et Hollande donne aujourd’hui l’impression de les ignorer.

D’une part, cette guerre extérieure ne doit pas avoir pour effet de jeter le voile (sans jeu de mot !) sur les problèmes que nous rencontrons à l’intérieur et de diminuer les moyens économiques et humains qui doivent être mis dans la lutte intérieure. Il faut être conscient que leur retirer le territoire ne fera pas disparaître le terrorisme ! Si demain nous détruisons Daesh, d’autres organisations apparaîtront défendant des idées violentes similaires. Nous n’empêcherons alors pas plus qu’aujourd’hui des personnes radicalisées de se procurer une arme et de tirer sur des innocents. Je me répète, notre lutte principale doit être idéologique pour prévenir la radicalisation terroriste.

D’autre part, l’attaque était, comme je l’ai dit, conjoncturellement plus efficace  chez nous. La France n’est pas visée spécifiquement comme ennemie de l’EI et ce serait donc une erreur de croire que nous devons prendre la tête d’une coalition. En réalité Daesh visait à travers nous une audience mondiale, en Occident, comme dans les pays musulmans. Nous ne devons pas intervenir sans avoir un plan précis du pouvoir qui remplacera Daesh sur les territoires qu’il contrôle actuellement. Nous ne pouvons pas intervenir au Moyen-Orient, au risque de répéter les erreurs d’Afghanistan, d’Irak et de Libye. Malgré ces attentats, il faut se rappeler que la situation géopolitique n’a pas changé.

 

Ci-dessous un paragraphe largement contestable car la situation en Syrie est un vrai dilemme depuis le début. La géopolitique dépend de nombreux paramètres mais j’ose une proposition. Je crois, comme avant le 13 novembre, qu’il faut pousser des pays musulmans sunnites à intervenir et à mener une coalition. Si ceux-ci ne le font pas, ce n’est peut-être pas uniquement parce que certains soutiennent indirectement l’Islam fondamentaliste. C’est aussi parce qu’ils espèrent que nous interviendrons à leur place. Les attentats en Tunisie montrent que certains de ces pays sont aussi concernés que nous par la menace terroriste, voire plus. Nous, nations occidentales, sommes mal placées pour intervenir et nous ne ferions que nourrir la probabilité d’un ressentiment contre nous. Il ne faut pas « abandonner Syriens et Irakiens à leur sort » mais il faut que nous soyons en appui de nations sunnites (menées par l’Egypte ?). Cessons de faire miroiter que nous mènerons une coalition. Je crois aussi qu’il faut acter la disparition de la frontière Irak-Syrie et se diriger à court terme vers une partition de ces deux pays en plusieurs zones d’ « occupation ». Rappelons que la frontière entre les deux pays a été tracée par la Grande Bretagne et la France pour se répartir deux zones d’influences. Laissons les différents groupes réunifier leurs pays respectifs dans un second temps si cela s’avère possible et souhaitable.

 

Enfin, il me tient à cœur d’ouvrir le débat sur une dernière chose, qui me semble liée à la fois à notre politique intérieur et extérieure car elle concerne notre représentation de l’Islam, qu’on soit musulman ou non. Il nous faut éviter deux extrêmes dans la description de Daesh et plus généralement du terrorisme islamiste. Le premier extrême serait de dire que l’Islam est, dans sa nature même, responsable du terrorisme qui se réclame de lui. C’est bien sûr faux pour plein de raisons théologiques que je ne donnerai pas ici car je ne suis pas légitime pour ça. Pour donner seulement deux arguments non théologique suffisants en eux même, rappelons que l’Islam s’est développé pendant au moins treize siècles sans terrorisme et que l’idée même d’attentat terroriste n’a pas été inventé dans le monde musulman. Le deuxième extrême serait de dire que les terroristes « n’ont rien à voir avec l’Islam » et qu’ils sont le produit des interventions occidentales depuis près de deux siècle dans le monde arabe. J’espère ne pas me mettre à dos mes compatriotes musulmans en affirmant que cela est également faux. L’Occident chrétien a sa part non négligeable de responsabilité mais cela ne doit pas non plus dédouaner le monde musulman et les intellectuels de l’Islam. Les non musulmans ne pourront jamais empêcher l’instrumentalisation de la religion ou la radicalisation dangereuse de certains au travers de l’Islam. C’est aux intellectuels musulmans et à eux seuls de développer une rhétorique forte contre ces problèmes. Seul un Islam plus introspectif, plus sûr de lui, enseigné de manière plus organisée, dans des sociétés éduquées, pourra nous débarrasser tous, musulmans et non musulmans, de ce fléau. Ce que nous occidentaux pouvons faire, c’est éviter de croire comme indépassable le clivage entre le monde musulman et l’Occident.

 

Pour résumer ce que nous pouvons faire, voici une petite liste non exhaustive.

 

-       Enseigner les religions à l’école. Amis professeurs, vous pouvez prendre des initiatives avant le ministère.

-       Enseigner l’esprit critique par rapport à l’information. Adapter cet enseignement aux réseaux sociaux et à internet. Là encore, si vous êtes professeur, n’attendez pas

-       Ne pas partager une information sans avoir vérifié au préalable son actualité et sa véracité.

-       Défendre une laïcité non coercitive

-       Ne pas soutenir ceux qui prônent une guerre en Syrie menée par la France

-       Ne pas penser que les musulmans sont fondamentalement différents des occidentaux. Arrêter une fois pour toute de croire qu’il y a une guerre des civilisation.

-       Continuer à croire en l’être humain

 

Appliquons dès maintenant les consignes face à l’information. Cet article est publié le 27 novembre 2015 et je me réserve la possibilité de le modifier en fonction de vos commentaires. L’auteur de cet article préfère rester anonyme. Il annonce, libre à vous de le croire, l’avoir rédigé dans le but de faire progresser notre société française vers un vivre ensemble harmonieux et apaisé.

J’ai choisi de ne pas parler des causes sociales de la radicalisation car le sujet me semblait trop vaste. Je souhaite cependant préciser ici qu’il y aurait à mon avis moins de radicalisations s’il y avait moins d’inégalités.

Voici ci-dessous quelques articles intéressants en complément, traitant aussi de thèmes que j’ai choisis de ne pas aborder pour ne pas écrire trente pages.

Long article sur la l’idéologie proclamée de Daesh

http://www.courrierinternational.com/article/enquete-ce-que-veut-vraiment-letat-islamique

 

Olivier Roy sur l’islamisation de la radicalité

http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/24/le-djihadisme-une-revolte-generationnelle-et-nihiliste_4815992_3232.html

 

 

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